Un changement de méthode qui pourrait bouleverser le classement énergétique
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), devenu un outil central dans les politiques de rénovation énergétique et la régulation locative, s’apprête à connaître une nouvelle évolution majeure. À partir de 2026, la méthode de calcul du DPE pour les petites surfaces devrait être modifiée.
Objectif annoncé : corriger un biais structurel défavorable aux logements de moins de 40 m². Selon les premières estimations du gouvernement, près de 850 000 logements pourraient ainsi échapper à leur classement en « passoires thermiques ».
Cette réforme, qui semble a priori favorable aux bailleurs, suscite déjà de nombreux débats. S’agit-il d’une mesure d’ajustement technique ou d’un recul politique dans la lutte contre les logements énergivores ? Décryptage d’un changement qui pourrait transformer le parc locatif français.
Le DPE, un outil devenu contraignant pour les bailleurs
Créé en 2006 mais profondément révisé en 2021, le DPE s’est imposé comme un outil de notation énergétique et climatique incontournable dans les ventes et locations immobilières. Depuis juillet 2021, il est opposable juridiquement et conditionne l’accès à la location dans le parc privé.
Un logement est qualifié de passoire thermique s’il est classé en F ou G au DPE. Or, la loi « Climat et Résilience » de 2021 a fixé une interdiction progressive de mise en location des logements les plus mal notés :
- Depuis le 1er janvier 2023, les logements G+ (consommation > 450 kWh/m²/an) sont interdits à la location.
- Au 1er janvier 2025, tous les logements classés G seront concernés.
- En 2028, ce sera au tour des logements classés F.
Dans ce contexte, les bailleurs se trouvent confrontés à une obligation coûteuse de rénovation énergétique, sous peine de devoir retirer leur bien du marché locatif.
Des petites surfaces injustement pénalisées ?
Rapidement après la réforme de 2021, plusieurs études ont pointé un biais affectant les logements de petite taille. En effet, le DPE tient compte de la consommation énergétique ramenée à la surface du logement, sans toujours refléter l’efficacité énergétique réelle.
Résultat : les studios, chambres de service, et T1 de moins de 30-40 m² se retrouvent surreprésentés parmi les passoires énergétiques. Une étude de l’Ademe de 2022 avait ainsi révélé que plus de 34 % des logements de moins de 30 m² étaient classés F ou G, contre moins de 15 % pour les logements de plus de 100 m².
Cette distorsion provient notamment :
- d’un effet de seuil : certains équipements comme le ballon d’eau chaude ou le chauffage prennent une place démesurée dans la consommation au m² ;
- d’un usage plus intermittent (logements étudiants, pied-à-terre) non pris en compte ;
- d’une ventilation peu adaptée dans les anciennes copropriétés urbaines.
La réforme de 2026 : que prévoit le gouvernement ?
Face à ce constat, le ministère de la Transition écologique a lancé début 2024 une mission d’évaluation du DPE pour les petites surfaces. En juin 2025, le ministre Christophe Béchu a confirmé qu’une réforme serait adoptée dès 2026. L’objectif est clair : « rétablir l’équité énergétique sans affaiblir l’ambition climatique ».
Selon les premières pistes techniques envisagées :
- la méthode 3CL (calcul conventionnel) serait adaptée avec des coefficient de pondération spécifiques pour les petits logements ;
- certains équipements seraient revalorisés dans la grille (par exemple, les ballons thermodynamiques) ;
- un forfait ajusté de consommation pourrait être appliqué en deçà de 30 m².
Le ministère table ainsi sur un reclassement d’environ 850 000 logements, qui pourraient passer de F ou G à E ou D, les rendant à nouveau « décents » au sens de la loi.
Un soulagement pour les propriétaires… mais aussi un risque de relâchement
Pour de nombreux bailleurs, notamment en zone urbaine dense, cette annonce est accueillie comme un véritable soulagement. En effet, une proportion importante des logements classés F ou G sont des studios situés à Paris, Lyon, Marseille ou Lille. Or, les travaux de rénovation énergétique dans ces petites surfaces sont souvent complexes, coûteux et peu rentables.
Avec cette réforme, certains propriétaires évitent donc une interdiction de location imminente et retrouvent une valorisation plus juste de leur bien. De plus, ils pourraient échapper à des dépenses de plusieurs milliers d’euros pour isolation, ventilation ou changement de chauffage.
Mais cette réforme soulève aussi des critiques. Pour plusieurs associations environnementales et élus locaux, il s’agit d’un affaiblissement des objectifs climatiques. En reclassant artificiellement des logements sans rénovation réelle, le signal-prix et les incitations à rénover risquent de s’estomper, au détriment des occupants.
Ce que ça change pour les bailleurs dès aujourd’hui
Même si l’entrée en vigueur de la réforme est prévue pour 2026, les bailleurs doivent dès à présent s’y préparer. Voici les implications concrètes :
- Ne pas précipiter de travaux coûteux dans un studio classé F ou G avant de connaître la nouvelle méthode DPE ;
- Si votre logement est concerné (surface < 40 m²), vous pourrez probablement demander une réédition gratuite du DPE à partir de 2026, selon les modalités que définira l’arrêté d’application ;
- En cas de mise en location en 2025, l’interdiction des G reste en vigueur : mieux vaut vérifier s’il existe déjà des simulations favorables avec les données réelles du bien.
Par ailleurs, la réforme pourrait également influencer la valeur vénale des biens : un studio classé D se vend mieux qu’un F, surtout en copropriété.
Les professionnels appelés à la prudence
Du côté des diagnostiqueurs et des agences immobilières, la prudence est de mise. Certains professionnels s’inquiètent d’une période d’instabilité entre 2025 et 2026, où plusieurs méthodes de calcul risquent de coexister. D’autant que la jurisprudence reste floue sur la valeur juridique des DPE intermédiaires ou contestés.
En parallèle, les banques et assurances devront aussi adapter leurs critères de financement. En effet, les passoires thermiques sont de plus en plus exclues des prêts à taux réduits ou des contrats multirisques sans surprime. Si la réforme reclasse certains biens, les conditions de financement pourraient s’améliorer dès 2026.
Vers une cartographie énergétique révisée
Enfin, cette réforme impactera aussi la cartographie énergétique nationale, sur laquelle s’appuient de nombreuses politiques publiques (bonus rénovation, exonérations fiscales, plafonds de loyers Pinel, etc.). Moins de logements F ou G, cela signifie :
- une réduction statistique du « besoin de rénovation globale » ;
- une baisse mécanique du nombre de logements non décents ;
- un recalibrage possible des aides publiques.
Mais à condition de ne pas en faire une opération cosmétique, au risque de retarder les véritables progrès énergétiques.
Un répit pour les petits logements… à surveiller
La réforme du DPE 2026 constitue une évolution technique attendue et bienvenue pour corriger une injustice pesant sur les petits logements. Pour autant, elle ne doit pas masquer l’enjeu global : l’amélioration énergétique du parc locatif reste une priorité nationale.
Les bailleurs doivent rester vigilants, informés, et prêts à ajuster leur stratégie patrimoniale en fonction des textes définitifs. Car si l’objectif est d’éviter les rénovations inutiles, il ne s’agit pas d’oublier celles qui sont nécessaires.
Sources
- Ministère de la Transition écologique – Communiqué juin 2025
- Ademe – Étude sur les DPE en zones urbaines 2022
- Le Monde – “DPE : une réforme pour réhabiliter les petites surfaces ?”, juillet 2025
- L'Obs – “Logements classés F ou G : 850 000 pourraient sortir du statut de passoire”, juin 2025
- ANIL – Décryptage réforme DPE 2026 (à paraître)
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