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Peut-on refuser une colocation dans un logement en location nue ?

Publié le 19/06/2025 par Richard Coudraie (dernière mise à jour: 09 juillet 2025 12h 38min 19s)

La colocation séduit de plus en plus de locataires, qu’il s’agisse d’étudiants, de jeunes actifs ou de familles recomposées. 

Mais du côté des propriétaires, la démarche n’est pas toujours bien accueillie. Plus de passages, plus de risques d’impayés, de détériorations ou de conflits internes : nombreux sont les bailleurs qui souhaitent l’éviter. Dans le cadre d’un bail de location nue, peut-on légalement refuser une colocation ? Quelles sont les marges de manœuvre du propriétaire ? Et quels risques en cas de refus injustifié ? Le point sur une situation de plus en plus fréquente.


Colocation ou simple location à plusieurs : ce que dit la loi

En droit français, la colocation est définie par la loi ALUR comme la location d’un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, qu’ils soient liés ou non par des liens familiaux. Ce cadre juridique s’applique aussi bien aux logements meublés qu’aux locations nues, tant que le contrat de bail est signé par plusieurs locataires.

Il existe plusieurs formes de colocation : le bail unique signé par tous les colocataires, les baux multiples avec pièces privatives et parties communes, ou encore les baux successifs dans un logement partagé. Toutes ces situations sont encadrées par des règles spécifiques, notamment en matière de solidarité, de dépôt de garantie et de préavis.

Le propriétaire n’est pas obligé d’accepter une colocation s’il n’a pas encore signé de contrat. En revanche, une fois un bail conclu, il ne peut pas interdire à son locataire d’héberger un tiers de manière ponctuelle, ni refuser arbitrairement un avenant pour ajout de colocataire, sauf clause contractuelle précise.


Avant signature : liberté de choix pour le bailleur

Tant que le contrat de location n’est pas signé, le bailleur reste libre de choisir son ou ses locataires. Il peut donc refuser de louer à plusieurs personnes souhaitant se mettre en colocation, sans avoir à motiver sa décision, à condition de ne pas tomber dans la discrimination (origine, situation familiale, handicap…).

Un propriétaire peut donc légitimement préférer un locataire unique à un groupe de colocataires, pour des raisons pratiques ou financières. Il peut également exiger que le bien ne soit loué qu’à une personne seule ou à un couple, en veillant toutefois à ne pas inclure de clause discriminatoire dans l’annonce.

Attention toutefois à ne pas mentionner dans une annonce des restrictions contraires à la loi, comme "pas de colocation", sans fondement réel. Une telle mention pourrait être interprétée comme discriminatoire si elle conduit à exclure certaines catégories de locataires (étudiants, jeunes…).

Il est préférable, dans ce cas, de rédiger une annonce neutre, puis de trier les dossiers au moment de la sélection, selon des critères objectifs : solvabilité, stabilité professionnelle, nombre d’occupants, etc.


Une fois le bail signé : quelle marge de manœuvre pour le propriétaire ?

Si le bail est signé avec un locataire unique, celui-ci ne peut transformer unilatéralement la location en colocation sans l’accord du propriétaire. Ajouter un nouveau locataire au contrat nécessite un avenant cosigné par toutes les parties.

Le bailleur peut donc refuser de signer cet avenant, sauf disposition contraire dans le bail initial. Il est cependant conseillé d’indiquer dès le départ dans le contrat si la colocation est autorisée, et à quelles conditions (solidarité des colocataires, procédure en cas de départ, plafonnement du nombre d’occupants…).

En revanche, le locataire reste libre d’héberger temporairement un tiers (ami, conjoint, membre de la famille), sans pour autant créer une situation de colocation. Cela ne donne pas de droits particuliers à la personne hébergée, qui n’est pas considérée comme titulaire du bail. Mais si cette cohabitation devient permanente, le bailleur peut s’y opposer, notamment pour cause de sur-occupation du logement ou d’usage détourné du bail.


Colocation imposée : que faire en cas de conflit ?

Il arrive qu’un propriétaire découvre que plusieurs personnes occupent le logement alors qu’un seul locataire figure sur le bail. En cas de suspicion de sous-location déguisée ou de colocation non déclarée, il est important d’agir avec prudence.

Le bailleur peut d’abord interroger le locataire et demander des explications. Si la colocation est avérée et qu’elle n’a pas été autorisée, il peut refuser d’en officialiser la forme, et rappeler les obligations du bail initial. Toutefois, la simple présence de plusieurs personnes ne suffit pas à établir une faute, surtout si le loyer est versé en temps et en heure.

En cas de désaccord prolongé, il est possible d’engager une procédure judiciaire pour non-respect du bail, notamment si la situation crée des nuisances ou des risques particuliers. Mais ces cas restent rares, et les tribunaux privilégient généralement la stabilité du logement, surtout si aucun trouble manifeste n’est constaté.


Clause anti-colocation : est-ce légal ?

Certaines clauses de bail tentent d’interdire expressément la colocation. Or, selon la jurisprudence, une clause interdisant par principe la colocation est considérée comme abusive, sauf si elle repose sur une justification objective (sur-occupation, caractéristiques du bien, etc.).

La loi n’impose pas au bailleur d’accepter tous les candidats, mais elle limite la possibilité d’interdire un type de location sans motif. En pratique, un propriétaire peut limiter le nombre d’occupants pour préserver la qualité du logement, mais pas interdire la colocation de manière générale.

Il est donc recommandé de formuler des clauses précises, autorisant ou encadrant la colocation dans certaines conditions (maximum de deux colocataires, clause de solidarité, durée minimale, obligation d’avenant…).


Colocation et risque juridique : ce qu’il faut anticiper

Accepter une colocation ne signifie pas renoncer à toute protection. Un bail rédigé correctement peut offrir une vraie sécurité au bailleur, notamment grâce à la clause de solidarité. Celle-ci oblige chaque colocataire à répondre de l’intégralité du loyer et des charges, même en cas de départ d’un des occupants.

Depuis la loi ELAN de 2018, la solidarité du colocataire sortant prend fin six mois après son départ, à condition qu’un nouveau colocataire ait été trouvé ou non. Ce délai permet au propriétaire de sécuriser le paiement et d’organiser une relève.

Il est aussi recommandé de demander un garant commun pour tous les colocataires, ou un garant pour chaque colocataire. Le cautionnement peut également être rédigé avec une clause de solidarité, si tous les garants y consentent.

Enfin, pour éviter les conflits internes, le bailleur peut exiger que les colocataires désignent un interlocuteur principal pour la gestion courante (entretien, régularisation des charges, correspondance).


Faut-il refuser la colocation ? Un arbitrage au cas par cas

La colocation peut effrayer certains bailleurs, mais elle peut aussi présenter des avantages : loyers plus élevés, occupation stable, meilleure gestion des impayés grâce à la solidarité. Elle est également plébiscitée dans les grandes villes, où les loyers sont trop élevés pour être assumés seuls.

Refuser une colocation de principe revient parfois à se priver de candidats sérieux et solvables. À l’inverse, accepter une colocation sans cadre juridique solide expose à des risques réels de désaccord ou de contentieux.

La meilleure solution reste souvent de cadrer la possibilité de colocation dans le contrat de location nue, en fixant des limites claires et en exigeant des garanties solides.


Sources :

  1. Service-public.fr – Colocation : règles pour les colocataires et le bailleur
  2. Legifrance – Loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014

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Publié le 19/06/2025 (dernière mise à jour: 09 juillet 2025 12h 38min 19s)

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