Une réforme ambitieuse pour relancer l’investissement locatif privé
Le 30 juin 2025, un rapport parlementaire piloté par la députée Lætitia Avia a mis en lumière une proposition attendue de longue date : la création d’un statut fiscal unifié et attractif pour les bailleurs privés, avec une mise en application annoncée pour le 1er décembre 2025. Ce dispositif vise à redonner un souffle à l’investissement locatif, aujourd’hui fragilisé par la complexité fiscale, les contraintes réglementaires croissantes et le contexte économique tendu.
Cette réforme repose sur une volonté forte du gouvernement d’encourager les particuliers à remettre sur le marché des logements conventionnés à loyers abordables, en contrepartie d’avantages fiscaux renforcés. Elle marque aussi une tentative de réconciliation entre l’intérêt privé et l’intérêt général, dans un contexte de pénurie locative aggravée dans de nombreuses zones tendues.
Le diagnostic : une crise de confiance entre l’État et les propriétaires bailleurs
Depuis plusieurs années, les investisseurs immobiliers sont confrontés à un empilement de dispositifs souvent jugés illisibles. Régimes fiscaux différents selon le type de bien, dispositifs d’incitation aux noms changeants, contraintes énergétiques et réglementaires lourdes : le bailleur privé s’est progressivement éloigné du statut d’« acteur encouragé » pour devenir celui d’un contribuable souvent stigmatisé.
La disparition progressive du régime micro-foncier pour certains profils, les incertitudes autour des revenus locatifs imposables, la complexité croissante des déclarations fiscales et l’apparition de restrictions liées aux diagnostics de performance énergétique ont fini par créer un véritable climat d’instabilité. De nombreux propriétaires renoncent à investir ou sortent même du marché locatif, préférant vendre leurs biens ou les transformer en résidences secondaires.
Un nouveau statut fiscal, plus lisible et incitatif
Le statut envisagé par le législateur se veut plus simple, plus accessible, mais aussi plus exigeant. Il ne s'agit pas d'une défiscalisation ponctuelle comme le Pinel ou le Denormandie, mais d’un cadre pérenne permettant au bailleur de s’engager dans une logique locative durable avec des contreparties fiscales concrètes.
Le cœur du dispositif repose sur un amortissement comptable du bien, calqué sur les principes de la location meublée non professionnelle. Ainsi, un logement neuf pourrait faire l’objet d’un amortissement de 5 % par an pendant 20 ans. Pour l’ancien, sous condition de rénovation énergétique, l’amortissement serait limité à 4 %, mais sur une période équivalente. Cette mécanique permettrait aux loyers perçus de s’imputer sur une base fiscale fortement réduite, voire nulle dans certains cas.
Par ailleurs, un abattement forfaitaire de 50 % serait appliqué sur les loyers perçus, dans la limite de 30 000 euros par an, à condition que le logement soit loué à un prix plafonné et à un locataire respectant certains critères de ressources. L’ensemble de ces mesures devrait améliorer significativement la rentabilité nette des opérations locatives conventionnées, sans nécessiter de montage complexe ou de gestion active du bien.
Un cadre social et écologique en contrepartie
Le statut ne serait pas accordé sans engagement. Pour en bénéficier, le bailleur devra signer une convention avec l’État, par l’intermédiaire de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou d’un organisme agréé. Cette convention prévoira une durée minimale de mise en location, généralement comprise entre six et douze ans, ainsi que le respect de plafonds de loyers inférieurs aux prix de marché.
De plus, le logement devra répondre à des critères énergétiques minimums. À partir de 2026, seuls les biens classés E ou mieux au DPE pourront bénéficier de ce statut. Cette exigence s’inscrit dans la continuité des politiques de lutte contre les passoires thermiques, déjà interdites à la location dès 2025 pour les logements classés G.
Les bailleurs qui acceptent ces conditions bénéficieront également de deux avantages patrimoniaux importants. D’une part, les logements conventionnés sur une durée de douze ans ou plus pourront être exonérés d’impôt sur la fortune immobilière (IFI), à condition qu’ils soient effectivement loués et non utilisés à titre personnel. D’autre part, le délai d’exonération totale de la plus-value immobilière à la revente serait réduit à vingt ans, au lieu de trente aujourd’hui (en incluant les prélèvements sociaux).
Une ambition forte, mais des garde-fous attendus
L’annonce de ce statut fiscal unique a été globalement bien accueillie par les fédérations de propriétaires et les experts de la gestion locative. À la fois simple à comprendre et potentiellement très avantageux, il pourrait séduire de nombreux bailleurs particuliers, notamment ceux possédant un ou deux logements dans l’ancien.
Toutefois, plusieurs zones d’ombre subsistent. Les modalités précises de conventionnement n’ont pas encore été publiées. En particulier, les plafonds de loyers et de ressources pourraient varier sensiblement d’une zone à l’autre, selon la tension locative locale. Or, dans certaines grandes villes où les loyers sont élevés, le différentiel entre le marché et le loyer conventionné pourrait représenter une perte de revenu significative, que la fiscalité ne suffirait pas à compenser.
De plus, les logements meublés sont, pour l’instant, exclus du périmètre du statut. Une extension est envisagée pour 2026, mais elle dépendra des résultats d’une mission d’évaluation lancée à l’automne. Les bailleurs ayant structuré leur activité en meublé longue durée devront donc patienter, voire revoir leur stratégie à court terme.
Une réforme pensée comme un « contrat gagnant-gagnant »
Le message du gouvernement est clair : il ne s’agit pas de subventionner l’inertie, mais de récompenser l’effort. Le bailleur qui accepte de louer à un prix raisonnable, dans un logement convenable et pour une durée longue, obtient en échange une fiscalité allégée, une visibilité juridique, et une valorisation de son engagement.
Dans cette logique, le nouveau statut est présenté comme une alternative à la fois au régime réel classique, au micro-foncier, au dispositif Loc’Avantages et aux montages en SCI à l’IS. Il propose une voie médiane, plus simple que l’optimisation fiscale via des sociétés, mais plus stable que les dispositifs de niche dépendants du budget annuel de l’État.
La création d’un formulaire de déclaration dédié (2044-SN) est d’ailleurs prévue, avec des préremplissages automatisés grâce à un partenariat entre l’Anah et la DGFIP. L’administration espère ainsi réduire les erreurs déclaratives et fluidifier l’entrée dans le dispositif.
Une mise en œuvre prévue dès décembre 2025
Sauf modification de dernière minute, le décret d’application devrait paraître au Journal officiel d’ici octobre, pour une entrée en vigueur au 1er décembre 2025. Les propriétaires pourront alors conventionner leur bien avant la première mise en location, ou en cours de bail si les conditions sont remplies.
Les logements déjà loués pourront, sous certaines conditions, basculer vers ce statut fiscal dès lors qu’ils respectent les plafonds et que le bail est réécrit avec accord du locataire. Une phase transitoire est prévue, notamment pour éviter des effets d’aubaine ou des ruptures de bail injustifiées.
Une opportunité à étudier avec rigueur
Le nouveau statut fiscal du bailleur privé constitue une réforme d’envergure. Il ambitionne de remettre l’investissement locatif sur des rails clairs et incitatifs, en l’inscrivant dans une logique de responsabilité sociale et écologique. Pour les bailleurs particuliers, c’est l’occasion de réconcilier rentabilité et stabilité, à condition d’accepter certaines contraintes.
Il conviendra, dans les prochains mois, de surveiller de près la publication des textes réglementaires, de simuler l’impact fiscal réel du statut, et d’anticiper les éventuels ajustements à venir. Mais d’ores et déjà, cette réforme s’annonce comme l’un des grands chantiers immobiliers de la fin d’année 2025, et probablement un tournant stratégique pour le parc locatif privé en France.
Sources
- Rapport parlementaire sur le statut du bailleur privé – Assemblée nationale – 30 juin 2025
- Ministère de l’Économie – communiqué de presse du 3 juillet 2025
- FNAIM – communiqué du 5 juillet 2025
- Le Monde – « Faut-il croire au nouveau statut du bailleur privé ? », 4 juillet 2025
- Les Échos – « Kasbarian veut séduire les propriétaires avec une fiscalité avantageuse », 6 juillet 2025
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