Pendant plusieurs années, l’encadrement des loyers a
avancé sous une étiquette prudente : celle de l’expérimentation.
Pensé comme un outil temporaire, destiné à être testé dans quelques grandes
villes confrontées à une forte tension locative, le mécanisme est aujourd’hui à
un tournant décisif.
À l’approche de l’échéance de 2026, une chose apparaît clairement :
l’encadrement des loyers ne disparaîtra pas.
Il s’apprête au contraire à entrer dans une nouvelle phase, marquée par un
contrôle renforcé et une volonté politique assumée de stabiliser durablement
les niveaux de loyers dans les zones les plus sous pression.
Une expérimentation devenue incontournable
Lorsqu’il a été réintroduit à la fin des années 2010,
l’encadrement des loyers n’avait rien d’une révolution juridique.
Il s’agissait plutôt d’un retour encadré, après une première tentative
abandonnée quelques années plus tôt pour des raisons de forme.
Cette fois, le législateur avait choisi la prudence : une expérimentation
limitée dans le temps, appliquée uniquement sur la base du volontariat des
collectivités, avec un suivi précis des effets sur le marché locatif.
Sept ans plus tard, le paysage a profondément changé.
La crise du logement s’est aggravée, la pénurie de biens à louer s’est
installée durablement dans les grandes métropoles, et les loyers ont continué
de progresser plus vite que les revenus dans de nombreux territoires.
Dans ce contexte, l’encadrement est devenu un marqueur fort de la politique du
logement, autant pour les élus locaux que pour l’État.
Ce que l’encadrement des loyers recouvre réellement
Le débat public entretient souvent une confusion entre
deux dispositifs distincts.
Le premier concerne l’évolution des loyers : dans les zones dites tendues,
certaines hausses sont limitées lors d’une relocation ou d’un renouvellement de
bail.
Ce mécanisme existe depuis longtemps et s’applique de manière relativement
homogène sur le territoire concerné.
Le second, plus emblématique et plus contesté, porte
sur le niveau même du loyer.
Dans ce cas, des loyers de référence sont définis localement, en fonction du
type de logement, de son époque de construction et de sa localisation.
Le loyer demandé par le bailleur ne peut alors dépasser un plafond précis, sauf
justification particulière.
C’est ce second dispositif, plus intrusif et plus technique, qui était jusqu’ici limité à une phase expérimentale et qui se retrouve aujourd’hui au cœur des discussions politiques.
2026, une date charnière pour le marché locatif
L’expérimentation actuelle arrive à échéance en
novembre 2026.
En théorie, sans nouvelle intervention du législateur, le dispositif pourrait
s’éteindre automatiquement, entraînant la disparition des plafonds de loyers
dans les villes concernées.
Ce scénario est désormais considéré comme hautement
improbable.
Les évaluations successives ont montré que l’encadrement n’a pas provoqué
l’effondrement du marché locatif souvent redouté par ses opposants.
Surtout, sa suppression brutale créerait une instabilité juridique majeure,
tant pour les propriétaires que pour les locataires, après plusieurs années
d’application.
C’est pourquoi l’hypothèse d’une pérennisation est
aujourd’hui largement privilégiée.
Le débat ne porte plus sur l’opportunité de maintenir l’encadrement, mais sur
la manière de l’améliorer et de le rendre réellement effectif.
Un changement de paradigme : du principe au contrôle
Jusqu’à présent, l’encadrement des loyers a souffert
d’un décalage entre la règle et sa mise en œuvre.
Les textes sont précis, les plafonds clairement définis, mais les contrôles
restent inégaux selon les territoires.
Dans certaines villes, le respect du dispositif repose essentiellement sur la
vigilance des locataires, qui doivent engager eux-mêmes des démarches pour
faire valoir leurs droits.
La phase qui s’ouvre vise à corriger cette faiblesse
structurelle.
La pérennisation du dispositif s’accompagnerait d’un renforcement des
contrôles, d’une meilleure coordination entre services de l’État et
collectivités locales, et d’une utilisation plus systématique des sanctions
prévues par la loi.
L’objectif est double : dissuader les dépassements manifestes et restaurer la crédibilité du dispositif, souvent critiqué pour son manque d’effectivité.
Le complément de loyer, point de friction majeur
Parmi les sujets les plus sensibles figure la question
du complément de loyer.
Prévu pour permettre une majoration lorsque le logement présente des
caractéristiques exceptionnelles, ce mécanisme est devenu l’un des principaux
angles morts de l’encadrement.
Dans la pratique, la frontière entre caractéristique
exceptionnelle et simple élément de confort est parfois floue.
Cette ambiguïté alimente de nombreux contentieux et fragilise l’acceptabilité
du dispositif, tant du côté des bailleurs que des locataires.
Le renforcement du contrôle devrait donc passer par une clarification de cette notion et par une surveillance plus attentive de son usage, afin d’éviter qu’elle ne serve de contournement systématique des plafonds.
Des collectivités en première ligne
Si l’État fixe le cadre juridique, la mise en œuvre
concrète repose largement sur les territoires.
Observatoires des loyers, arrêtés préfectoraux, suivi des annonces et
traitement des signalements constituent le socle opérationnel du dispositif.
Les grandes villes, qui appliquent l’encadrement
depuis plusieurs années, jouent désormais un rôle de laboratoire.
Leur retour d’expérience alimente les réflexions nationales et pèse dans les
arbitrages à venir sur la pérennisation et le durcissement des contrôles.
Cette territorialisation assumée marque une évolution de la politique du logement, davantage orientée vers une régulation fine des marchés locaux que vers des règles uniformes.
Une nouvelle étape pour les bailleurs et les locataires
La fin de l’expérimentation ne signifie pas une
stabilisation définitive du cadre.
Au contraire, elle ouvre une phase d’ajustement, dans laquelle propriétaires et
locataires devront s’adapter à des règles plus fermement appliquées.
Pour les bailleurs, la visibilité juridique sera
renforcée, mais la marge de manœuvre se réduira encore dans les zones
concernées.
Pour les locataires, l’enjeu sera moins l’existence de la règle que sa capacité
à être effectivement respectée.
L’encadrement des loyers s’éloigne ainsi de son statut
d’outil temporaire pour devenir un élément structurant de la régulation du parc
locatif privé.
La question n’est plus de savoir s’il survivra à 2026, mais sous quelle forme
et avec quel degré d’exigence.
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