La révolution discrète de la gestion locative
Depuis quelques années, les outils numériques ont investi la gestion locative, facilitant les démarches administratives des propriétaires comme des locataires. Parmi eux, les applications et plateformes d’état des lieux numériques connaissent un véritable essor. Gain de temps, interface intuitive, rapports automatiques : tout semble indiquer que cette innovation est en passe de s’imposer comme la nouvelle norme.
Mais la dématérialisation de cette pièce centrale du contrat de location soulève une question majeure : l’état des lieux numérique a-t-il la même valeur juridique qu’un état des lieux papier signé à la main ?
Alors que de nombreux bailleurs adoptent ces outils pour simplifier leur gestion, certains hésitent encore, craignant des contentieux locatifs mal encadrés. Cet article fait le point sur la légalité, la fiabilité et les bonnes pratiques de l’état des lieux digital en 2025.
Rappel : à quoi sert l’état des lieux ?
L’état des lieux est un document essentiel établi à l’entrée et à la sortie d’un locataire. Il permet de comparer l’état du logement à deux moments clés du bail.
S’il n’existe pas, ou s’il est incomplet, le bailleur ne peut pas réclamer de retenue sur le dépôt de garantie en cas de dégradations.
Conformément à l’article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi Alur, l’état des lieux doit être établi « contradictoirement » entre le bailleur et le locataire, et comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Il peut être établi sur papier ou par voie électronique. La loi ne précise pas de modèle type, mais encadre strictement son contenu.
L’état des lieux numérique est-il légal ?
Oui. Depuis 2014, la loi reconnaît pleinement la validité de l’état des lieux réalisé de manière numérique. À condition qu’il respecte le formalisme exigé, il a la même force probante qu’un document papier signé à la main.
Le décret n°2016-382 du 30 mars 2016 précise que le document peut être établi sous forme électronique, et signé par les parties à l’aide d’un dispositif d’authentification sécurisé.
Cela signifie qu’un état des lieux réalisé via une application, généré automatiquement en PDF et signé électroniquement par le bailleur et le locataire, est pleinement opposable. Il pourra être utilisé comme preuve en cas de litige, au même titre qu’un état des lieux manuscrit.
Signature électronique : une condition essentielle
La validité juridique de l’état des lieux numérique repose en grande partie sur la signature électronique. Celle-ci doit être apposée par toutes les parties à l’aide d’un outil conforme au règlement eIDAS (norme européenne en vigueur).
Il existe plusieurs niveaux de signature électronique : simple, avancée et qualifiée. En matière de bail locatif, une signature simple accompagnée d’une authentification (code SMS, email sécurisé) est généralement suffisante.
Les applications spécialisées comme Check & Visit, Lockimmo, Flatlooker ou ImmoPad proposent ce type de signature. Il est recommandé de conserver une copie du document signé, horodaté, et de s’assurer que le fichier final ne soit pas modifiable.
Attention : un simple scan ou une photo d’un état des lieux signé à la main n’est pas un état des lieux électronique. Ce n’est qu’une numérisation d’un document papier. Seul un document créé et signé dans un cadre numérique sécurisé peut être qualifié juridiquement d’état des lieux électronique.
Quels sont les avantages pour les bailleurs ?
Le premier avantage est le gain de temps. L’application génère automatiquement le document, intègre des modèles de pièces, permet de cocher des options, insérer des photos, ajouter des commentaires types.
Le second bénéfice est la qualité du document : plus lisible, structuré, standardisé, avec des photos horodatées à l’appui. Cela limite les zones d’interprétation en cas de désaccord à la sortie du locataire.
Enfin, les états des lieux numériques sont facilement archivables et partageables, ce qui réduit les litiges liés à des pertes de documents ou à des photocopies de mauvaise qualité.
Certaines plateformes intègrent même un historique, permettant de comparer automatiquement les états des lieux d’entrée et de sortie, ce qui simplifie la facturation des dégradations.
Et les inconvénients ?
Le principal inconvénient réside dans la dépendance au matériel et à la connectivité. Une panne de tablette, une mauvaise connexion ou une signature refusée pour raison technique peut compromettre le processus.
Par ailleurs, certains locataires peu familiers avec les outils numériques peuvent refuser de signer électroniquement, ce qui oblige à prévoir une solution papier de secours.
Un autre risque est la qualité des photos : si elles sont floues ou mal cadrées, elles perdent leur valeur probatoire. Il est donc essentiel de prendre le temps de bien documenter les éléments clés du logement.
Enfin, tous les outils ne se valent pas. Certains services gratuits ou peu fiables ne garantissent pas une traçabilité suffisante ou n’assurent pas la conservation à long terme des documents.
Jurisprudence et reconnaissance en cas de litige
En cas de litige, un état des lieux numérique conforme est accepté par les tribunaux. Il a la même force probante qu’un document papier signé.
Une décision de la Cour d’appel de Paris de 2022 a validé la retenue sur dépôt de garantie établie à partir d’un état des lieux numérique signé avec horodatage et photos annexées, malgré les protestations du locataire.
Les juges se basent sur le caractère contradictoire du document, la qualité de la preuve, et la signature effective des deux parties.
À l’inverse, des états des lieux peu documentés ou signés de manière unilatérale sont systématiquement rejetés comme preuve. La rigueur reste donc de mise, même dans un cadre digital.
Bonnes pratiques pour un état des lieux numérique fiable
- Utiliser une plateforme reconnue, qui respecte les normes eIDAS pour la signature
- Prévoir un mode hors ligne en cas de panne de réseau
- Prendre des photos nettes, horodatées, idéalement dans chaque pièce
- Faire signer immédiatement les deux parties, avec vérification des identités
- Sauvegarder immédiatement une copie au format PDF avec métadonnées horodatées
- Envoyer le document au locataire sans délai pour archivage conjoint
Un état des lieux bien fait, qu’il soit papier ou numérique, repose avant tout sur sa clarté, sa précision et sa transparence.
État des lieux numérique : vers une généralisation ?
De plus en plus d’agences immobilières et de gestionnaires locatifs utilisent exclusivement des états des lieux numériques. La tendance va clairement vers une dématérialisation complète du cycle locatif : signature du bail, assurance, quittances, relances…
Le ministère du Logement a lui-même engagé une réflexion sur la création d’un dossier locatif numérique unique, dans lequel l’état des lieux dématérialisé pourrait devenir un standard d’ici 2026.
Dans ce contexte, les bailleurs indépendants ont tout intérêt à adopter dès aujourd’hui des outils professionnels fiables. Cela sécurise leur gestion et renforce leur légitimité face aux locataires ou à l’administration.
Ce qu’il faut retenir
L’état des lieux numérique est pleinement légal s’il est bien réalisé et signé électroniquement dans les règles. Il offre de nombreux avantages pratiques et juridiques, à condition de choisir des outils sérieux.
Dans un contexte où la digitalisation devient la norme, adopter ce format permet de professionnaliser la gestion locative sans alourdir les tâches quotidiennes.
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