Le vendredi 26 juillet 2025, le gouvernement a annoncé un assouplissement provisoire de la réglementation environnementale RE2020, applicable dès le 1er septembre 2025 pour une durée d’un an. Face à l’effondrement des mises en chantier et à la crise du logement, cette décision marque un tournant inattendu dans la politique écologique de l’habitat.
Ce recul partiel soulève autant d’espoirs chez les promoteurs que de critiques chez les ONG environnementales. Décryptage d’une mesure d’urgence qui vise à sauver un secteur à l’arrêt.
Une RE2020 trop ambitieuse pour un marché fragilisé ?
Entrée en vigueur en 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose des normes exigeantes aux bâtiments neufs : réduction drastique des émissions de carbone, meilleure performance énergétique, limitation du recours au béton, matériaux biosourcés obligatoires, et plafonds de consommation énergétique renforcés.
Si cette réforme a été saluée dans un premier temps, elle s’est rapidement heurtée à la réalité économique du terrain. Entre l’envolée des prix des matériaux, la hausse des taux d’intérêt, la raréfaction des permis de construire et la chute de la demande, la construction neuve a plongé de 32 % en deux ans, selon les derniers chiffres du ministère de la Transition écologique.
Pour les promoteurs, ces normes sont devenues un facteur bloquant. Dans un rapport de juin 2025, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) dénonçait une « surcharge réglementaire » entraînant une hausse des prix de vente de 10 à 15 %, rendant les projets non viables.
Le contenu de l’assouplissement : un gel partiel des seuils et des reports
Face à cette impasse, le ministère de la Transition écologique, en lien avec celui du Logement, a dévoilé un plan d’allègement temporaire, dont les grandes lignes sont les suivantes :
- Gel du seuil carbone maximal des bâtiments (Ic Construction) pour 12 mois : le niveau prévu pour 2025 (plus strict que celui de 2022) ne sera pas appliqué immédiatement.
- Assouplissement des exigences sur les matériaux biosourcés, avec un report d’un an de l’obligation d’un taux minimal.
- Allongement des délais de transmission des attestations de conformité au moment du dépôt de permis, simplifiant temporairement le parcours administratif.
- Tolérance sur la performance énergétique (Bbio) pour certains logements collectifs, notamment en zone dense.
Ces mesures, publiées par décret au Journal Officiel le 27 juillet 2025, s’appliqueront aux permis de construire déposés entre le 1er septembre 2025 et le 31 août 2026. Elles ne concernent que les logements (collectifs et individuels), à l'exclusion des bâtiments tertiaires.
Objectif : redémarrer les chantiers bloqués
Avec cette décision, le gouvernement espère relancer près de 100 000 logements dont la viabilité économique avait été suspendue du fait des surcoûts imposés par la RE2020.
Selon les données de la FFB (Fédération française du bâtiment), plus de 30 % des opérations de logement collectif lancées en 2023 ont été mises en pause ou abandonnées en raison d’un coût de construction supérieur de 400 à 600 €/m², lié directement à la réglementation.
Les promoteurs et bailleurs sociaux saluent une décision « pragmatique », permettant de redonner de la visibilité à la filière. Nexity, Bouygues Immobilier et Icade ont tous annoncé qu’ils relanceraient certains projets à l’automne grâce à cette fenêtre réglementaire.
Une mesure temporaire… mais un précédent politique
Si le gouvernement insiste sur le caractère temporaire de l’allègement, les associations écologistes redoutent qu’il s’agisse d’une première brèche dans un édifice réglementaire ambitieux.
L’ONG France Nature Environnement a dénoncé une « capitulation politique » face aux lobbies du BTP, en rappelant que le secteur du bâtiment représente à lui seul 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
La fondation Abbé Pierre, elle, exprime un avis plus nuancé : elle salue la tentative de relance du logement mais appelle à un ciblage plus précis des projets concernés, notamment en faveur du logement social.
Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a tenu à rassurer : « Il ne s’agit pas de revenir sur la trajectoire RE2020, mais de donner un bol d’air à un secteur qui asphyxie. La norme complète reprendra au 1er septembre 2026. »
Une RE2020 trop uniforme ?
Au-delà du débat conjoncturel, cette décision soulève une question de fond : la RE2020 est-elle trop rigide dans sa mise en œuvre ?
Plusieurs élus locaux demandent une adaptation territoriale des normes, en fonction du climat, de la densité urbaine, ou des ressources en matériaux.
À Clermont-Ferrand ou Limoges, par exemple, des opérateurs peinent à construire en conformité faute d’approvisionnement en bois local ou de main d’œuvre qualifiée pour les nouveaux procédés constructifs.
De son côté, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) plaide pour une RE2020 à géométrie variable, tenant compte des réalités socio-économiques et pas seulement des performances théoriques.
Quel impact pour les futurs acquéreurs ?
Pour les acheteurs, l’impact direct de cette mesure reste modeste. Les logements livrés sous cette RE2020 « allégée » resteront plus performants que ceux construits avant 2022, même si certains critères seront temporairement assouplis.
Il faudra cependant vérifier attentivement le DPE (diagnostic de performance énergétique) et les engagements constructeurs, car tous les biens ne seront pas équivalents selon la date du permis de construire.
En revanche, cette mesure pourrait faire baisser légèrement les prix en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), en réduisant les coûts de production. Une bonne nouvelle pour les primo-accédants si les promoteurs répercutent effectivement cette baisse.
Et après ? Une réforme plus large sur la table
En parallèle de cet allègement temporaire, le gouvernement a annoncé l’ouverture d’États généraux du logement neuf, prévus pour octobre 2025. L’objectif : réfléchir à une version « RE2025 + », plus souple, plus modulaire, et intégrant une vision élargie du développement durable (coût du foncier, mobilité, qualité de vie, etc.).
Parmi les pistes évoquées :
- Des bonus constructibilité pour les bâtiments bas carbone réellement livrés.
- Un indice de coût environnemental total intégrant les transports, la densité et la consommation de ressources.
- Une simplification des démarches administratives pour les petits constructeurs.
Un virage assumé
Avec ce gel partiel de la RE2020, le gouvernement joue la carte du pragmatisme économique, quitte à déplaire à une partie des défenseurs du climat. Il mise sur une relance rapide des chantiers pour éviter un effondrement de l’offre, alors que les besoins en logements restent colossaux, notamment dans les métropoles et les villes moyennes.
Mais cette inflexion ne pourra être durable que si elle s’accompagne d’une refonte plus structurelle de la politique de construction, intégrant mieux les contraintes économiques, territoriales et sociales. Le défi sera d’aligner les objectifs climatiques avec une réalité opérationnelle encore fragile.
Sources :
- Décret n°2025-964 du 26 juillet 2025 – Journal Officiel
- Ministère de la Transition Écologique – Communiqué de presse du 26 juillet 2025
- Fédération des Promoteurs Immobiliers – Rapport juin 2025
- Le Moniteur – « Assouplissement RE2020 : le soulagement du BTP » – 27/07/2025
- France Nature Environnement – Communiqué du 28/07/2025
- Le Monde – « Construction neuve : les normes environnementales revues temporairement » – 29/07/2025
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