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Airbnb : le Conseil d’État valide les restrictions à Paris sur les résidences secondaires

Publié le 19/09/2025 par Richard Coudraie (dernière mise à jour: 24 septembre 2025 11h 05min 25s)

Le 18 juillet 2025, le Conseil d’État a rendu une décision très attendue dans le bras de fer opposant la Ville de Paris à plusieurs propriétaires...

Le 18 juillet 2025, le Conseil d’État a rendu une décision très attendue dans le bras de fer opposant la Ville de Paris à plusieurs propriétaires utilisateurs de plateformes de location touristique comme Airbnb. L’institution a confirmé la légalité d’un encadrement plus strict du changement d’usage des résidences secondaires à des fins locatives, marquant un tournant pour l’ensemble des communes en tension.


Derrière cette décision juridique se joue un enjeu économique et urbain considérable : la capacité des collectivités locales à reprendre la main sur l'essor des meublés de tourisme, accusés d'aggraver la pénurie de logements.


Le cœur du litige : le changement d’usage pour louer en courte durée

À Paris comme dans d’autres zones tendues (Nice, Lyon, Bordeaux, Bayonne…), les propriétaires qui veulent louer un logement en meublé touristique de manière répétée doivent obtenir une autorisation de changement d’usage auprès de la mairie. Cette règle, issue du Code de la construction et de l’habitation (article L.631-7), a été conçue pour éviter la transformation massive de logements classiques en hébergements touristiques.

Depuis 2017, Paris applique un système de compensation : pour chaque m² transformé en meublé touristique (hors résidence principale), le propriétaire doit créer l’équivalent en surface de logement classique, souvent en transformant des locaux commerciaux.

Or, plusieurs propriétaires ont contesté cette règle devant les juridictions, arguant que les exigences parisiennes étaient excessives, voire contraires au droit européen. Ils s’appuyaient notamment sur une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2020, qui imposait des conditions strictes aux régulations locales.


Une validation claire du cadre légal

Dans sa décision du 18 juillet 2025, le Conseil d’État a donné raison à la Ville de Paris. Il estime que la réglementation municipale est proportionnée à l’objectif d’intérêt général de protection du logement.

La haute juridiction précise que la ville, confrontée à une pénurie structurelle de logements, est fondée à fixer des conditions strictes à l’usage touristique des résidences secondaires. Le mécanisme de compensation, même exigeant, reste dans les clous de la légalité.

Cette décision confirme la jurisprudence déjà amorcée en 2021 et l’amplifie. Surtout, elle envoie un signal fort aux autres communes confrontées à la même tension immobilière.


Les implications immédiates à Paris

Pour les propriétaires parisiens, le message est clair : il sera désormais presque impossible de louer une résidence secondaire en Airbnb de manière régulière sans passer par un changement d’usage, assorti de compensations très lourdes.

À titre d’exemple, transformer un 60 m² en meublé touristique à Paris nécessite souvent d’acheter un local commercial équivalent et de le convertir en logement, avec des coûts dépassant les 100 000 €.

De fait, seuls quelques investisseurs professionnels ou foncières peuvent se permettre une telle opération. La majorité des particuliers se voient de facto exclus du marché de la location touristique secondaire.


Vers une généralisation dans d'autres villes ?

La portée de la décision du Conseil d’État dépasse largement les limites de Paris. En validant un encadrement aussi strict, il donne le feu vert à d’autres municipalités pour renforcer à leur tour leurs règles locales.

Bordeaux, Lyon, Annecy, Bayonne, La Rochelle, Strasbourg… ont déjà mis en place des autorisations temporaires ou des quotas par quartier. Elles peuvent désormais aller plus loin, en s’inspirant du modèle parisien.

À Nice, le maire Christian Estrosi a d’ailleurs salué la décision, déclarant vouloir « protéger les habitants face à la spéculation touristique ». Même tonalité du côté de Marseille, où un dispositif expérimental d'encadrement renforcé pourrait voir le jour dès l'automne 2025.


Des tensions croissantes entre villes et plateformes

Cette décision risque d’intensifier les tensions entre les plateformes de location saisonnière, au premier rang desquelles Airbnb, et les grandes métropoles. Ces dernières accusent les meublés de tourisme d’exacerber la crise du logement, notamment en retirant du marché des milliers de logements destinés à la résidence principale.

Airbnb, de son côté, défend la liberté des propriétaires à disposer de leurs biens, et revendique un apport économique important pour les territoires.

Mais les villes ont désormais un cadre juridique robuste pour imposer leurs propres règles, dans les limites fixées par le Code de l’urbanisme et le droit européen.


Que risquent les propriétaires hors cadre ?

Depuis plusieurs mois, les contrôles s’intensifient à Paris. La mairie dispose désormais d’outils de croisement automatisés entre les plateformes, les fichiers fiscaux, les permis de construire, et les autorisations d’urbanisme.

Un propriétaire qui met en location une résidence secondaire sans autorisation s’expose à des amendes allant jusqu’à 50 000 €, et à une obligation de remise en usage initial.

Le contentieux progresse aussi sur le plan civil : des copropriétés peuvent s’opposer à la location meublée saisonnière lorsqu’elle trouble la tranquillité ou dénature l’usage de l’immeuble.


Vers une nouvelle loi sur les meublés touristiques ?

Dans ce contexte, plusieurs parlementaires de la majorité comme de l’opposition réclament une réforme nationale pour mieux encadrer les meublés de tourisme.

Une proposition de loi portée par le sénateur Max Brisson (LR) prévoit d’instaurer un quota maximum de meublés touristiques par commune, et d’obliger les plateformes à transmettre en temps réel les données de location aux collectivités.

Ce texte pourrait être discuté à l’automne 2025, avec un soutien affiché du gouvernement, soucieux d’apaiser la tension sur le logement dans les zones tendues sans pour autant brider le tourisme.


Ce que doivent faire les propriétaires maintenant

Si vous possédez une résidence secondaire dans une grande ville et que vous la louez sur Airbnb ou une autre plateforme, vous devez dès à présent :

  • Vérifier si votre commune exige une autorisation préalable.
  • Consulter les règles de compensation ou de quotas éventuellement en vigueur.
  • Envisager une régularisation, ou un changement d’usage temporaire si votre commune l’autorise.
  • Anticiper une bascule vers la location meublée classique ou la location longue durée, plus sécurisée juridiquement.

 

Une jurisprudence qui rebâtit l’équilibre logement / tourisme

La décision du Conseil d’État du 18 juillet 2025 ne ferme pas la porte à la location saisonnière, mais elle rétablit clairement la primauté du droit au logement sur les usages spéculatifs dans les zones en tension.

Paris, en pionnière, voit ainsi son modèle validé. Mais cette décision crée surtout un précédent juridique pour toutes les autres villes françaises. L’ère d’un Airbnb sans contraintes juridiques est désormais révolue.

Pour les propriétaires, une vigilance réglementaire accrue devient indispensable. Et pour les collectivités, c’est une victoire politique et juridique majeure dans la bataille pour le logement.


Sources :

  • Conseil d’État, décision du 18 juillet 2025 – n°472512
  • Ville de Paris – Dossier « meublés de tourisme » (paris.fr)
  • Le Monde – « Airbnb : le Conseil d’État donne raison à la Ville de Paris », 22 juillet 2025
  • Le Figaro – « Le bras de fer juridique entre Paris et Airbnb se termine », 23 juillet 2025

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Publié le 19/09/2025 (dernière mise à jour: 24 septembre 2025 11h 05min 25s)

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